La Communauté internationale baha'ie est une organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif auprès de l'Organisation des Nations Unies. Son objectif général est d'aider les activités de l'Organisation des Nations Unies, visant à atteindre les buts énoncés dans la Charte des Nations Unies, correspondant aux principes fondamentaux de la communauté baha'ie, en les faisant connaître et en y collaborant sur le plan pratique. La Communauté internationale baha'ie, ainsi que ses membres, ses communautés locales et nationales, est représentée dans plus de 140 pays, y compris dans presque tous les pays africains, favorisant l'instauration d'un ordre mondial pacifique, juste et équitable, caractérisé par un développement social et économique permanent et par la réalisation universelle des droits de l'homme, en se fondant sur une foi profonde dans l'unité du genre humain.
Vu la situation qui règne actuellement dans la plupart des pays africains et l'intérêt que porte la communauté internationale aux problèmes de cette région, nous félicitons la Commission d'avoir choisi comme thème de Conférence "La crise économique et sociale en Afrique". La Communauté internationale baha'ie estime que les pays africains et les organisations intergouvernementales, dont ils sont membres, comprennent bien mieux la nature de la crise et qu'ils sont donc, désormais, mieux à même, sur le plan conceptuel, de s'attaquer aux problèmes de façon constructive. Le Plan d'action de Lagos, adopté à la réunion du sommet africain en 1980, reste toujours aussi pertinent, car il énonce les principes fondamentaux devant orienter la recherche d'un développement autosuffisant et autonome. Les documents publiés ultérieurement, tels que la publication commune de l'OAU, l'OUA et de la FAO, intitulée "La famine en Afrique" et l'étude intitulée "La CEA et le développement de l'Afrique de 1983 à 2008", proposent des directives et des principes d'action bien conçus et plus détaillés devant régir l'application du Plan d'action de Lagos. Cependant, bien que les pays africains soient conscients de l'orientation générale à donner aux mesures qu'ils doivent prendre pour remédier à cette situation, et malgré les progrès considérables qu'ils n'ont cessé d'accomplir dans des domaines tels que l'alphabétisation et les soins de santé primaires, la crise économique et sociale en Afrique est toujours aussi grave.
Dans l'étude de la CEA, la volition de l'homme est considérée comme une condition sine qua non pour résoudre la crise: "La coopération et l'intégration économiques, de même que la détermination politique ou la volonté de développement, sont des éléments qualitatifs extrêmement importants qui apparaissent dans tous les scénarios de développement...". Cette étude indique également que la réalisation du scénario de développement progressif qu'elle présente comme une possibilité, "dépend essentiellement de la volonté de l'Afrique, c'est-à-dire de celle de ses habitants d'amorcer le changement".
La Communauté internationale baha'ie considère l'extrême importance de ces observations. Afin d'atteindre effectivement les buts louables de l'autosuffisance et de l'autonomie, il faut susciter chez les individus et au sein de la société une motivation et une volonté suffisantes pour s'attacher avec persévérance à réaliser leurs buts par de réels efforts de développement, même dans l'adversité. Les Bahá'ís conçoivent la notion de développement de la façon suivante: chaque être humain, et donc la société dans son ensemble, a un potentiel de développement illimité et un besoin spirituel profond de réaliser ce potentiel. Pour les Bahá'ís, le véritable bonheur de la personne réside dans "le respect de lui-même, les grandes résolutions et les nobles buts, dans l'intégrité, les qualités morales et dans la pureté d'intentions" et "à assurer la paix et le bien-être de chaque membre de la race humaine..." [Extrait des écrits Bahá'ís] La réalisation de ce potentiel est un processus de renforcement mutuel par lequel les qualités des individus qui recherchent leur épanouissement personnel ont une influence bénéfique sur la société et l'orientation des politiques, qui à leur tour créent un environnement de plus en plus propice à l'épanouissement individuel et au développement social et économique. La promotion d'une civilisation matérielle, sociale et spirituelle toujours en progrès est donc au centre de la pensée baha'ie et constitue un idéal extrêmement motivant.
L'importance accordée à l'épanouissement individuel et à la nécessité de le mettre au service de l'intérêt général devrait avoir également des conséquences sur le plan international. Comme on l'a indiqué plus haut, un principe fondamental de la pensée baha'ie est l'unité de l'humanité, et cela signifie, en quelques mots, "considérer l'humanité comme un simple individu et soi-même comme un membre de ce corps, et savoir en toute certitude que si la souffrance ou quelque blessure afflige un membre de ce corps, il en résulte inévitablement de la souffrance pour tout le reste".[Extrait des écrits Bahá'ís] Il est indéniable qu'au fil des ans on a mis de plus en plus l'accent sur la solidarité comme étant la clé de tout, au cours des débats concernant les moyens de résoudre les graves problèmes internationaux d'aujourd'hui. Les écrits Bahá'ís qualifient la notion de solidarité et ses conséquences "d'esprit de solidarité mondiale qui naît spontanément du chaos d'une société désorganisée".[Extrait des écrits Bahá'ís] Ils précisent également que "la progression et le développement de cette noble conception doivent intéresser de plus en plus les gardiens du destin des peuples et des nations qui sont conscients de leurs responsabilités".[Extrait des écrits Bahá'ís] Cette évolution, qui implique une diffusion au niveau mondial des valeurs fondamentales communes, revêt une importance cruciale car, pour s'accomplir, la responsabilité mondiale exige que l'humanité toute entière partage un certain niveau de ces valeurs. Tant que cela ne se fera pas, l'humanité ne pourra pas se constituer en communauté mondiale, ni gérer efficacement ses affaires, notamment concernant l'instauration d'un nouvel ordre économique international.
Comme ces valeurs ne sont pas encore assez implantées pour permettre de s'attaquer résolument aux problèmes mondiaux à l'échelle internationale, il est urgent de mettre au point un vaste programme intensif d'éducation de tous les peuples pour leur enseigner ce principe vital - et cette vérité - de l'unité organique de l'humanité. C'est aussi dans le cadre de ces valeurs naissantes et profondes que l'on devrait voir s'instaurer et s'intensifier en Afrique une collaboration qui constitue indéniablement un élément indispensable au développement global du continent.
Il est indiqué dans la publication commune de l'OUA et de la FAO mentionnée plus haut, que l'on n'a pas "compris ni cherché à améliorer, avec la participation active des communautés rurales et des systèmes de culture traditionnels, la rationalité sur le plan écologique, qui pourraient être rendus plus productifs et satisfaire les besoins alimentaires, socio-économiques et culturels des petits agriculteurs". Il est également indiqué que les systèmes traditionnels de greniers communautaires sont en voie de disparition, et que les liens de solidarité communautaires sont en voie de dissolution. La Communauté internationale baha'ie estime que cette tendance déplorable devrait être à tout prix renversée en valorisant les activités agricoles sur le plan social et en tenant davantage compte des besoins et des souhaits des cultivateurs exploitants, notamment des femmes qui jouent un rôle essentiel dans le cycle alimentaire et qui sont généralement les principaux producteurs agricoles. Il est capital de reconnaître que l'agriculture est le pivot et le fondement de l'économie et d'en tenir compte aussi bien dans les politiques générales que dans leur exécution. Les Bahá'ís estiment qu'afin de réaliser l'équité et d'obtenir pour chaque membre de la société "le maximum de prospérité et de bien-être... nous devons commencer par l'agriculteur; c'est à ce niveau que nous poserons les fondations d'un système et d'un ordre, car les services de la classe des paysans et des agriculteurs dépassent en importance celui de toutes les autres classes sociales". [Extrait des écrits Bahá'ís]
L'extrême importance qu'attachent les Bahá'ís à l'épanouissement de la personne et au fait de le mettre au service d'autrui donne à la coopération un rôle essentiel. Il est maintenant admis que la participation de la population au processus de développement, par la coopération, est un élément essentiel pour assurer le succès des activités de développement. Cette participation de la population devrait être, d'après les Bahá'ís, un processus qui permettrait à la population locale de prendre des initiatives et de s'organiser, afin d'accroître sa capacité de planification et de réalisation des activités autosuffisantes, et notamment de prendre des mesures pour assurer la sécurité alimentaire à l'échelle de la communauté.
La participation croissante des Bahá'ís aux activités de développement économique et social est axée principalement sur l'enseignement élémentaire, les soins de santé primaires et l'agriculture, sans négliger la nécessité de promouvoir le rôle et la condition de la femme, afin de réaliser le principe de l'égalité des sexes que préconisent les Bahá'ís. Cela montre l'importance attachée aux besoins élémentaires, d'autant plus importants, qu'aujourd'hui une grande partie de l'humanité est privée de tout ce qui constitue un niveau de vie décent. Les communautés baha'ies participent aux efforts déployés par les gouvernements et par les institutions des Nations Unies dans ce domaine et devraient être mieux à même de fournir des modèles novateurs de développement caractérisés par la participation, la continuité et l'autosuffisance, ainsi que la reproductibilité, en particulier au niveau communautaire.
La Communauté internationale baha'ie, par le passé, a participé activement à un certain nombre de conférences de la CEA et de l'ONU sur des sujets très divers dans plusieurs pays africains. Elle travaille également en étroite collaboration avec les deux autres organes de l'ONU situés en Afrique: le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et le Centre des Nations Unies pour les établissements humains (HABITAT) à Nairobi, et elle a contribué aux opérations d'urgence dans plusieurs pays. La Communauté internationale baha'ie est disposée à collaborer davantage aux efforts de la Commission, visant à promouvoir les buts énoncés dans la Charte des Nations Unies et, par là même, à assurer à l'Afrique un avenir plus prospère, conforme aux aspirations et aux ambitions de ses états membres.
La Famine en Afrique. Situation. Cause. Prévention. Solution. Organisation de l'unité africaine, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Rome, 1982.
La CEA et le développement de l'Afrique, 1983-2008. Étude prospective préliminaire. Commission économique pour l'Afrique, Addis-Abeba, avril 1983.
Ibid, p. 15.